Un récent arrêt du conseil d’Etat vient fragiliser les droits de la défense du fonctionnaire licencié pour insuffisance professionnelle (CE  9 octobre 2020, n° 429563 , B. : JurisData n° 2020-015824).

Dans cette affaire, une enseignante, professeure certifiée, avait été licenciée pour insuffisance professionnelle le 12 décembre 2016. Elle sollicitait l’annulation de son licenciement notamment pour n’avoir reçu communication ni du rapport de l’autorité ayant saisi l’instance disciplinaire, ni d’une convocation au conseil de discipline par lettre recommandée avec avis de réception dans le délai de 15 jours légalement prévu.

A titre liminaire, on rappellera que, bien que consistant en une procédure non disciplinaire, le licenciement  pour insuffisance professionnelle s’est vu appliquer les mêmes dispositions et garanties qu’en matière disciplinaire par l’effet de l’article 70 de la loi du 11 janvier 1984 et en vertu du principe général des droits de la défense.

Concernant l’absence de convocation dans le délai requis, le Conseil d’Etat rappelle d’abord bien le principe selon lequel le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de la réunion par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Il constate bien qu’en l’espèce, ce délai n’avait pas été respecté. Mais il considère que, malgré ce non-respect du délai de convocation du fonctionnaire, la procédure suivie en vue de licencier l’enseignante n’était pas illégale.

Dans l’affaire qui l’occupait, il faut reconnaître que l’enseignante avait refusé de recevoir en mains propres la convocation datée du 7 octobre 2015 pour une réunion de la commission administrative paritaire locale siégeant en conseil de discipline prévue le lundi 19 novembre 2015.

En outre, le Conseil d’État a considéré que l’enseignante avait connaissance de cette convocation puisqu’elle avait signalé par courriel du 2 novembre 2015 à son administration, que le 19 novembre était un jeudi et non un lundi.

Enfin, le conseil de l’enseignante avait pris connaissance de son dossier dès le 3 novembre 2015.

Le 5 novembre 2015, l’administration a confirmé à l’enseignante que la séance était bien prévue le jeudi 19 novembre 2015.

C’est après examen minutieux de ces éléments de fait que le Conseil d’Etat a considéré que le fait que la convocation n’ait été notifiée à l’intéressée que le 5 novembre, soit quatorze jours avant la date de la réunion, n’avait exercé aucune influence sur le sens de la décision prise et n’avait pas privé l’enseignante d’une garantie.

En d’autres termes, le Conseil d’État a appliqué sa jurisprudence « Danthony » (CE, ass., 23 déc. 2011, n° 335033, Danthony : JurisData n° 2011-029061 ; Lebon, p. 649 ; Dr. adm. 2012, comm. 22, note F. Melleray) à la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle.

En effet, dans cette affaire, la convocation n’avait été envoyée ni par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ni dans le respect du délai de 15 jours. Mais ces carences, dans les circonstances de l’espèce, n’ayant privé l’enseignante d’aucune garantie, la procédure n’est pas jugée illégale.

Concernant la non-communication du rapport de l’autorité ayant saisi l’instance disciplinaire, le Conseil d’Etat s’en tient, cette fois, aux textes, en rappelant que si le fonctionnaire qui fait l’objet d’une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle doit être informé des insuffisances qui lui sont reprochées et mis à même de demander la communication de son dossier, aucune disposition ne prévoit qu’il doive recevoir communication, avant la séance du conseil de discipline, du rapport de l’autorité ayant saisi l’instance disciplinaire.

En l’espèce, la convocation mentionnait l’engagement d’une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle à la suite du dernier rapport d’inspection concernant le fonctionnaire en date du 4 mai 2015, lequel était cosigné par l’intéressée et détaillait ses insuffisances professionnelles en renvoyant, en outre, à de précédents rapports d’inspection de même teneur, également cosignés par l’intéressée  et figurant dans son dossier individuel, mis à sa disposition.

Par ailleurs, le rapport établi par le vice-recteur et lu devant le conseil de discipline, se bornait à reprendre, en le résumant, les griefs reprochés à l’enseignante ainsi que le contenu des pièces du dossier dont elle et son conseil avaient pu prendre connaissance dans son intégralité.

Il en a conclu que le licenciement n’était pas intervenu en méconnaissance des droits de la défense.

Cet arrêt du Conseil d’État est compréhensible dans les circonstances particulières de l’espèce qu’il avait à juger.

En revanche, s’il est considéré comme un arrêt de principe, il risque de remettre en cause les garanties offertes aux fonctionnaires en matière de licenciement pour insuffisance professionnelle, et, pire encore, en matière disciplinaire s’il devait être étendu à ce domaine.

Les prochaines jurisprudences en la matière sont donc à surveiller avec attention.

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