Suite à l’arrêt ICADE PROMOTION de la CJUE en date du 30 septembre 2021 (CJUE, 30 septembre 2021, aff. C-299/20, Icade Promotion SAS ), les professionnels du secteur immobilier étaient inquiets.

Dans cet arrêt, la CJUE a considéré que l’article 392 de la directive TVA devait être interprété comme permettant d’appliquer le régime de taxation sur la marge à des opérations de livraisons de terrains à bâtir lorsque leur acquisition a été soumise à la TVA, sans que l’assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe mais aussi lorsque leur acquisition n’a pas été soumise à la TVA alors que le prix auquel l’assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial.

Mais elle ajoute qu’en dehors de cette hypothèse, ce régime dérogatoire de taxation sur la marge ne s’applique pas à des opérations de livraison de terrains à bâtir dont l’acquisition initiale n’a pas été soumise à la TVA.

En d’autres termes, elle refuse d’appliquer le régime de TVA sur marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir dont l’acquisition initiale n’a pas été soumise à la TVA (que cette absence de soumission à la TVA soit la conséquence de ce que l’opération se trouve en dehors de son champ d’application ou qu’elle en soit exonérée).

Elle considère également que l’article 392 de la directive TVA doit être interprété comme excluant l’application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis non bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l’assujetti, des terrains à bâtir.

En revanche, elle permet l’application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont fait l’objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l’assujetti, de modifications de leurs caractéristiques physiques telles qu’une division en lots ou la réalisation de travaux d’aménagement permettant l’installation de réseaux desservant lesdits terrains (notamment des réseaux de gaz ou d’électricité).

Cela signifie qu’elle considère que :

  • la division dudit terrain en lots ne modifie pas l’identité juridique dudit terrain et, par conséquent, le droit à l’application du régime de taxation sur la marge ;
  • les transformations apportées à un terrain à bâtir aux fins de son aménagement (raccordement aux réseaux, etc.), n’ont pas de conséquence sur sa qualification de terrain à bâtir tant que ces aménagements ne peuvent être qualifiés de « bâtiments ».

Suite à cet arrêt, les professionnels, qui avaient besoin de sécuriser leurs opérations en cours, se sont interrogés sur la question de savoir si cet arrêt pourrait remettre en cause l’application de la TVA sur la marge et conduire à une taxation, plus élevée, sur le prix concernant leurs opérations en cours.

Une question parlementaire a donc été posée au ministère de l’économie, le but étant que celui-ci confirme que les professionnels du secteur immobilier puissent continuer à appliquer les commentaires de l’administration fiscale antérieurs à la jurisprudence européenne qui leur permettaient d’appliquer la TVA sur la marge dans les hypothèses exclues par ce nouvel arrêt de la CJUE.

La réponse ministérielle du 1er février 2022 rassure les professionnels de l’immobilier en leur assurant que :

  • ce n’est qu’après que le litige national ayant donné lieu à renvoi préjudiciel à la CJUE aura été tranché que l’administration, « en concertation avec les acteurs du secteur de l’immobilier » en tirera les conséquences sur sa doctrine BOFiP-Impôts BOI-TVA-IMM-10-20-10.

En d’autres termes, tant que la doctrine actuellement en vigueur n’a pas été modifiée, professionnels de l’immobilier, assujettis revendeurs, bénéficient pleinement de la garantie du régime de TVA sur la marge qu’elle leur assure, même si celle-ci est contraire au droit de l’Union tel que précisé par la jurisprudence de la CJUE.

Il s’agit là du principe constant selon lequel l’administration fiscale ne peut remettre en cause l’application par un redevable d’un texte fiscal effectuée conformément à l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportées à la date des opérations en cause.

  • la mise à jour de la doctrine fiscale qui interviendra n’aura pas vocation à remettre en cause les équilibres économiques des opérations en cours.

Ainsi, dans le cadre de la revente d’un bien immobilier intervenant postérieurement à la date de publication des futures précisions doctrinales tirant les conséquences de la jurisprudence de la CJUE, le professionnel de l’immobilier, assujetti revendeur, pourra continuer à se prévaloir de l’actuelle doctrine fiscale de la TVA sur la marge si son acquisition du bien considéré est intervenue ou a fait l’objet d’un compromis de vente antérieurement à cette publication.

Comments are closed