Par un récent jugement du 7 avril 2022 (TA Melun 7 avril 2022, n°1804872) faisant suite à un jugement avant-dire droit (TA Melun 30 août 2022, n°1804872), le tribunal administratif de Melun illustre deux problématiques fondamentales en matière de harcèlement moral subi par les agents publics.

Dans cette affaire, une adjointe administrative, avait subi, avant sa mutation dans une autre collectivité en 2011, des faits de harcèlement de la part du directeur général des services de son ancienne collectivité d’accueil.

Une procédure avait été nécessaire pour faire reconnaître la maladie(état dépressif réactionnel grave) et les congés en découlant comme imputables au service, ce qui fut enfin fait par un arrêté de décembre 2017, reconnu la maladie de Mme Larivière imputable au service.

Une première action au pénal avait abouti, en 2010 puis 2011 suite à appel et 2012 suite à recours en cassation, à la déclaration de culpabilité du directeur général des services.

Une seconde action devant la juridiction administrative cette fois avait ensuite été initiée en 2018 en vue d’obtenir réparation à la fois sur le terrain de la responsabilité pour faute et sur celui de la responsabilité sans faute de la commune.

Sans grande surprise, l’action a été rejetée sur le terrain de la responsabilité pour faute.

En effet, les faits de harcèlement, dénoncés devant le juge pénal ont été définitivement jugés le 16 octobre 2012 par la cour de cassation. Ainsi, la demande indemnitaire de la requérante à ce titre aurait dû être présentée à l’administration au plus tard le 31 décembre 2016, compte tenu de la prescription quadriennale.

En revanche, l’action de la requérante sur le terrain de la responsabilité sans faute, au titre de sa maladie professionnelle a, quant à elle, été accueillie.

En effet, ce n’est que par un arrêté de décembre 2017 que sa maladie avait été reconnue comme imputable au service. Comme le relève le tribunal, le fait générateur de la créance sur le fondement de la responsabilité sans faute était bien constitué par la reconnaissance d’imputabilité au service par l’autorité administrative de sa maladie, le délai de prescription relatif à cette action ayant donc commencé à courir le 1er janvier 2018 pour expirer le 31 décembre 2021.

La réclamation préalable indemnitaire formulée en 2018 n’était dès lors pas forclose.

En résumé, ce n’est pas parce qu’une action en responsabilité pour faute (harcèlement) est prescrite que toute action en réparation est impossible devant les juridictions administratives, sur le terrain de la responsabilité sans faute cette fois lorsque la maladie découlant des faits de harcèlement a été reconnue par arrêté datant de moins de 4 ans.

Le second enseignement de cette jurisprudence est qu’en matière de harcèlement subi par un agent public, les actions au pénal et devant les jurisprudences administratives ne sont pas exclusives l’une de l’autre.

Les deux actions peuvent donc être menées concomitamment ou successivement.

Cependant, le juge administratif prendra en compte les indemnités allouées au pénal pour  fixer le montant des indemnités qu’il lui appartient d’octroyer.

Le but pour le juge administratif est que sa décision n’ait pas pour effet de procurer à la victime d’un dommage, par les indemnités qu’elle a pu ou pourrait obtenir en raison des mêmes faits, d’autres juridictions à raison des conséquences dommageables du même fait générateur, une réparation supérieure au préjudice subi.

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