Le Conseil d’Etat vient de préciser, dans une affaire de marché de travaux, les conditions de naissance d’un décompte général et définitif tacite (CE 25 juin 2018, n°417738 aux Tables).

Dans cette affaire, une communauté de communes avait confié à la société Merceron Travaux Publics un marché portant sur la réalisation de travaux.

Ces travaux avaient fait l’objet d’une réception sans réserves le 15 avril 2015.

Le 31 juillet 2015, la société Merceron TP avait adressé au maître d’ouvrage son projet de décompte final, assorti d’un mémoire de réclamation portant sur une demande de rémunération complémentaire.

Estimant qu’un décompte général et définitif tacite était né, la société de travaux a présenté un référé provision.

Le Tribunal comme la Cour ont rejeté sa demande.

Le CCAG Travaux prévoit que le titulaire du marché transmet son projet de décompte final simultanément au maître d’oeuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux.

Il prévoit également que le projet de décompte général qui est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général est notifié au titulaire du marché à la plus tardive des deux dates suivantes :

  • trente jours à compter de la réception par le maître d’oeuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire
  • trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire.

Une fois que le décompte général lui a été notifié, le titulaire du marché envoie dans les trente jours au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d’oeuvre, ce décompte revêtu de sa signature, avec ou sans réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer.

Le CCAG Travaux prévoit que si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais prévus, alors le titulaire du marché notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d’oeuvre, un projet de décompte général signé et si, dans un délai de dix jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n’a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif. C’est ce qu’on appelle le décompte général et définitif tacite.

Le Conseil d’Etat conclut de la combinaison de ces dispositions que, même si elle intervient après l’expiration du délai de trente jours courant à compter de la réception des travaux, la réception, par le maître d’ouvrage et le maître d’oeuvre, du projet de décompte final est le point de départ du délai de trente jours laissé au représentant du pouvoir adjudicateur pour envoyer le décompte général, dont le dépassement peut donner lieu à l’établissement du décompte général et définitif tacite.

Mais le Conseil d’Etat rappelle que l’expiration du délai de trente jours laissé au représentant du pouvoir adjudicateur pour envoyer le décompte général est appréciée au regard de la plus tardive des dates de réception du projet de décompte final respectivement par le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre. Il en conclut que ce délai ne peut pas courir tant que ceux-ci n’ont pas tous deux reçu ce projet de décompte final.

En l’espèce, le titulaire du marché avait transmis son projet de décompte final au maître d’ouvrage mais pas au maître d’œuvre. Le délai de trente jours imparti au maître d’ouvrage pour notifier au titulaire du marché le décompte général ne pouvait donc pas courir, ce qui fait obstacle à la naissance d’un décompte général et définitif tacite.

En cela, le Conseil d’Etat a confirmé l’analyse de la Cour.

En revanche, il a censuré le raisonnement de la Cour qui consistait à considérer que la société Merceron ne pouvait pas se prévaloir de l’existence d’un décompte général et définitif tacite parce que celle-ci avait envoyé son projet de décompte final au-delà du délai de trente jours qui lui était imparti. En effet, le Conseil d’Etat considère que  le respect de ce délai ne constitue pas une formalité dont la méconnaissance est de nature à faire obstacle à l’établissement d’un décompte général et définitif tacite.

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