Un récent arrêt du Conseil d’Etat fait le point sur les règles applicables en matière de créances détenues par une administration qui a versé des rémunérations indues à l’un de ses agents (CE 1er juillet 2021, n°434665 au Lebon).

Cet agent non titulaire du ministère de l’éducation nationale avait été placé en congé de maladie ordinaire puis de longue maladie à compter du 15 mars 2010 mais avait continué à percevoir sa rémunération alors qu’elle percevait dans le même temps des indemnités journalières de la sécurité sociale.

En 2011 puis en 2013, l’administration a émis des titres de perception d’un montant total de 18.640,81 euros, dont elle réclamait donc le remboursement.

En première instance, le tribunal administratif a annulé ces titres de perception et a déchargé l’agent de l’obligation de payer les sommes correspondantes. En appel, la Cour a suivi le même raisonnement.

Saisi par le ministre de l’éducation nationale le Conseil d’Etat devait statuer en cassation.

Son arrêt apporte deux enseignements précieux.

Premier enseignement

D’abord, le Conseil d’Etat rappelle les conséquences de l’annulation d’un titre exécutoire selon le type de motif ayant conduit à ladite annulation.

En règle générale, l’annulation d’un acte signifiant qu’il n’est censé n’avoir jamais existé, elle implique que les choses soient remises dans l’état où elles étaient avant l’intervention de l’acte. En d’autres termes, l’annulation d’un titre sur la base duquel l’administration a perçu des sommes devrait impliquer le remboursement automatique desdites sommes.

Cependant, comme le relève le Conseil d’Etat, si le titre est annulé pour un motif de régularité en la forme ou de l’incompétence de son auteur (moyens de légalité externe), cette annulation n’implique pas nécessairement que les sommes perçues par l’administration sur le fondement du titre annulé soient immédiatement restituées à l’intéressé.

En effet, en pareil cas, l’administration peut toujours reprendre un titre régulier cette fois si aucune prescription ne s’y oppose.

Second enseignement

Le second enseignement de l’arrêt concerne le délai de prescription des créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents et ses causes d’interruption.

Sur ce point, le Conseil d’Etat rappelle que les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de 2 ans à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné et ce même si ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive.

En d’autres termes, une rémunération indûment versée par une personne publique à l’un de ses agents peut, en principe, être répétée dans un délai de 2 ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée.

Le Conseil d’Etat relève que les causes d’interruption et de suspension de cette prescription biennale sont régies par les principes du code civil, qui prévoit notamment, qu’un recours juridictionnel, quel que soit l’auteur du recours, interrompt le délai de prescription et que l’interruption du délai de prescription par cette demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance.

Dans l’affaire qu’il avait à juger, la Cour avait considéré que le recours contentieux formé par l’agent tendant à l’annulation des titres de perception émis par l’administration n’avait pas interrompu le délai de prescription desdites créances, de sorte que l’administration n’aurait en tout état de cause pas pu reprendre des titres réguliers en lieu et place des titres annulés.

Le Conseil d’Etat a logiquement sanctionné ce raisonnement et cassé l’arrêt d’appel.

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