Dans le cadre d’un marché public de travaux portant sur des ouvrages d’assainissement et d’adduction d’eau d’une commune, la réception sans réserve avait été prononcée le 7 juillet 2008 avec effet au 13 juin 2008 (CAA Marseille 20 mai 2019, n°18MA00612, Cne Abriès) .

A la suite d’une demande en ce sens de l’agence de l’eau, qui avait partiellement subventionné les travaux, la commune a fait procéder à l’inspection télévisée de la conduite principale du réseau, qui a révélé des malfaçons et des dépôts anormaux.

L’agence de l’eau a, sur le fondement de ce rapport et d’un autre rapport d’analyse, demandé à la commune la réfection des parties d’ouvrages atteintes de malfaçons.

En l’absence de réalisation de ces travaux par la commune, l’agence a, le 30 janvier 2013, décidé une réfaction de 4 429,40 euros sur la subvention accordée.

La commune avait alors demandé au tribunal administratif, à titre principal, de condamner solidairement le titulaire du marché et le maître d’oeuvre à lui verser une somme en réparation des désordres affectant la conduite principale de son réseau d’assainissement ou, à titre subsidiaire, de condamner le titulaire du marché, seul, à lui verser la même somme.

En première instance, la commune a obtenu gain de cause sur sa demande à titre principal.

Saisie en appel par le titulaire du marché (condamné à hauteur de 50%), la Cour a confirmé sa responsabilité sur le fondement de la garantie décennale.

Elle a d’abord rappelé la définition de la garantie décennale puis relevé qu’en l’espèce, le rapport de l’expert désigné par le Tribunal soulignait que la plupart des désordres et malfaçons ne rendaient pas la canalisation impropre à sa destination et ne portaient pas atteinte à sa solidité.

Cependant, elle a également relevé que :

  • l’expert lui-même indique que l’ovalisation d’une canalisation, qui ne doit pas excéder un taux de 5 % à court terme, n’est pas admissible au-delà d’un seuil de déformation de 10 % en raison des risques de rupture, d’infiltration, d’exfiltration et de perturbation des écoulements engendrés par cette déformation.
  • Qu’il résulte des constatations et conclusions de l’expert, que la conduite présentait, lors de son inspection par le sapiteur, soit sept ans après son achèvement, un taux d’ovalisation de 14 % entre les regards nos 10 et 11.
  • Que cette ovalisation de la canalisation n’était par ailleurs pas apparente à la date où celle-ci est intervenue.

Elle en conclut que ce désordre, dont l’expert conclut qu’il doit être réparé, est de nature à porter nécessairement atteinte à la solidité de l’ouvrage dans un délai prévisible et est dès lors de nature à engager la responsabilité décennale du titulaire du Marché.

Elle balaie l’argument tiré de ce que l’expert judiciaire avait précisément conclu que les désordres et malfaçons ne rendaient pas la canalisation impropre à sa destination et ne portaient pas atteinte à sa solidité et que le maître de l’ouvrage n’avait pas invoqué la possibilité d’apparition d’un tel désordre dans le futur, en indiquant que le juge saisi par la commune du moyen tiré de l’atteinte à la solidité de l’ouvrage, se doit nécessairement de prendre en considération, quand bien même cette question n’est pas expressément débattue, les conséquences futures de la déformation de la canalisation en cause.

Par la même occasion, la Cour conforte la jurisprudence constante selon laquelle doivent être pris en compte dans la garantie décennale des désordres apparus dans le délai d’épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, même s’ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans.

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