Dans sa récente décision en date du 11 octobre 2017, le Conseil d’État s’est penché sur le cas d’un médecin qui, acquitté par le juge pénal, a cependant été radié, à titre disciplinaire, du tableau de l’ordre des médecins pour avoir provoqué délibérément la mort de plusieurs patients hospitalisés (CE, 11 oct. 2017, n° 402497 aux Tables).

Il conclut que l’acquittement du médecin au pénal n’empêche pas sa radiation à titre disciplinaire.

Dans cette affaire, un médecin avait injecté à des patients une ampoule de Norcuron, produit qui contenait du curare. Les patients étaient décédés.

Au pénal, la cour d’assises de Maine-et-Loire avait acquitté le médecin du crime d’atteinte à la vie de ses patients en raison du doute sur la réalité de son intention homicide.

Sur le plan disciplinaire en revanche, le médecin a été radié du tableau de l’ordre des médecins au motif qu’il avait provoqué délibérément la mort de plusieurs patients hospitalisés au centre hospitalier de Bayonne.

Pour conclure à la compatibilité de ces deux décisions qui peuvent apparaître pourtant comme contradictoires, le Conseil d’Etat fait une analyse assez fine de l’autorité de la chose jugée au pénal.

Il considère en effet que le juge disciplinaire est lié par le dispositif de la décision pénale et les faits qui y ont conduit mais pas par ses motifs.

En d’autres termes, les faits s’imposent au juge disciplinaire, qui, cependant, au vu de l’ensemble du dossier qui lui est soumis, peut en faire une autre interprétation que celle faite par le juge pénal dans ses motifs.

Ainsi, les motifs d’un jugement d’acquittement tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou qu’un doute subsiste sur leur réalité ne doit pas empêcher le juge disciplinaire d’apprécier si les faits, qui peuvent, d’ailleurs, être différents de ceux qu’avait connu le juge pénal, sont, selon lui, suffisamment établis et, dans l’affirmative, s’ils justifient l’application d’une sanction.

En l’espèce, le juge pénal avait acquitté le médecin du crime d’atteinte à la vie en raison du doute sur la réalité de son intention homicide, mais il incombait au juge disciplinaire d’asseoir sa conviction et de se faire sa propre opinion sur l’ensemble des éléments du dossier s’agissant des faits reprochés à ce praticien.

Le Conseil d’Etat ajoute que le juge disciplinaire n’a pas même besoin d’indiquer systématiquement les éléments sur lesquels son appréciation différait de celle du juge pénal.

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